Deux ans après la faillite spectaculaire d’une école de pilotage française censée avoir pignon sur rue, il est devenu pertinent, sinon nécessaire de proposer une forme de moralisation de la formation de pilote afin d’accroître, voire de restaurer, la crédibilité du secteur. Le Groupement des industriels et professionnels de l’aviation générale (GIPAG) vient d’adopter une charte éthique en direction des organismes de formation approuvés (Approved Training Organisation) afin de formaliser les bonnes pratiques en matière d’enseignement et de gestion économique et financière des écoles.

Les ambitions de cette charte sont multiples. Elle doit avant tout offrir au futur candidat au métier de pilote professionnel et de ligne, une forme de sérénité, quant au déroulement de sa formation, à la santé financière de l’organisme de formation choisi et la qualité de l’enseignement reçu. Cette charte doit rassurer, après la période de doute induite par la faillite de cette « grande » école.

Le second effet attendu et espéré est de présenter une forme d’avantage concurrentiel par rapport aux écoles étrangères qui ne disposent pas d’un tel engagement. Cela doit inciter les futurs pilotes à approfondir leurs réflexions quant à leur choix, cela en leur présentant des écoles françaises, signataires de la charte, et alignées sur des objectifs de qualité et de gestion saine.

C’est un des moyens responsables pour contenir une concurrence déséquilibrée des écoles étrangères compte tenu du niveau des charges que « subissent » les écoles françaises. Cet engagement doit à terme induire une uniformisation des méthodes et des objectifs dans ce secteur, même si, naturellement, les écoles conservent le libre choix d’établir leurs programmes de formation, validés par la DGAC. Rappelons que l’écriture de ces programmes respecte un cadre global établi par l’Agence européenne de la sécurité civile (EASA). Cette charte sera proposée à tous les ATO qu’ils soient membres du GIPAG ou non.

Le contenu de la charte porte sur un ensemble de « 10 commandements » et pour chacun d’entre eux correspond un ensemble d’actions à mettre en place pour atteindre l’objectif. Par exemple, le premier « commandement » de la liste porte sur « l’organisation d’un environnement juridique, administratif et professionnel exemplaire ».
Les actions pour y parvenir sont toutes empruntes de bon sens : « connaitre et respecter les lois et réglementations qui lui sont applicables, mener une veille permanente afin de détecter en amont les problématiques susceptibles de survenir, refuser et dénoncer toutes formes de corruption, etc. ». Il existe par ailleurs une traduction plus explicite pour les adhérents.

La nouveauté de cette charte réside dans le fait que la rédaction des items et surtout le contrôle de leur mise en pratique ont été confiés à une société d’audit ESTRADS qui est également l’initiateur du Label ProTarmac. ESTRADS veillera à la bonne application des procédures, au travers des nombreux documents à contrôler. Cette charte incitera donc à la mise en place d’une gestion financière saine et équilibrée grâce à une maitrise des budgets de fonctionnement et d’investissement tout en mettant en place un plan d’investissement, réaliste et pluriannuel. Le contrôle s’effectuera au travers de la fourniture des bilans et d’une attestation du commissaire aux comptes.

Cette charte aborde également l’angle « responsabilité sociétale des entreprises » (RSE) puisqu’elle comporte un volet portant sur le bien-être des salariés, un autre sur l’attention particulière concernant les élèves (suivi, condition de réussite, etc.) et un volet développement durable afin d’adopter des pratiques éthiques sur le plan environnemental.

Autre nouveauté de cette charte : elle permet une transparence totale, puisqu’elle autorise à toutes les parties prenantes (élèves, instructeurs, personnels de direction, administratifs et techniques…) de l’ATO de s’exprimer quant à son respect au sein de l’organisme. Chacun pourra ainsi scanner un QR Code et faire part de ses remarques, suggestions ou encore réclamations directement à ESTRADS Labellisation et ce de façon discrète.

C’est la première fois en France qu’est créé un document dont la vocation est d’uniformiser les pratiques de formation dans un environnement fortement concurrentiel, y compris sur le territoire national. Mais, les initiateurs ne doutent pas que le bien-fondé de leur démarche sera compris, voire adopté, par le milieu des organismes de formation afin de renforcer la crédibilité des écoles.

Les 10 commandements

1. Concevoir et maintenir un environnement juridique,
administratif et professionnel exemplaire ;

2. Adopter une gestion financière saine et équilibrée ;

3. Être en toutes circonstances transparent et éthique ;

4. Porter une attention particulière, individualisée à ses élèves afin
de respecter leurs intérêts réels et optimiser leurs chances de succès ;

5. Porter une attention particulière, individualisée à ses collaborateurs
(personnels administratifs, techniques et instructeurs) afin de leur apporter un cadre de travail et un épanouissement optimal ;
6. Porter une attention particulière, individualisée à ses parties prenantes extérieures (riverains, fournisseurs, élus locaux…) afin de faire partager ses valeurs et s’inclure pleinement dans son environnement humain ;

7. Préserver son environnement ;

8. Toujours mettre en place les solutions techniques et
organisationnelles les plus modernes et efficaces ;

9. Toujours maintenir son degré de sécurité au plus haut niveau possible ;

10. Accepter la remise en cause afin de toujours progresser.